Editorial:Août 2019

De tons sépia

Route joignant Andaraí à Igatú (BA- Août 2019)(Photo: Telma Teixeira / RHIOS)

Il y a un peu plus de cinq siècles, les Portugais découvraient les terres brésiliennes. Ici vivaient alors les peuples autochtones en harmonie avec un environnement naturel qui leur offrait des ressources en abondance. Leur technologie n’était pas développée comme celle des peuples maya, inca et aztèque, mais la nature était exubérante. C’est cette nature, riche et diversifiée qui a attiré les yeux des colonisateurs qui commencèrent par exploiter sans effort le précieux “pau-brasil”.

Au fil des ans, d’autres richesses naturelles furent découvertes. De colonie en république, il n’y eut jamais une seule période où l’environnement priva le territoire brésilien et ses habitants des ressources nécessaires pour vivre dans la pléthore. L’exploitation que le colonisateur commença fut poursuivie et développée par un peuple habitué à l’extraction excessive, sans souci des impacts sur l’écosystème naturel ni du temps à sa nécessaire récupération.

Pétrole, diamant, gaz naturel, or, argent, vanadium, niobium, uranium et beaucoup d’eau et de terres fertiles. Plus que le grenier du monde, qui produit 90% des protéines animales commercialisées sur le marché international, le Brésil fournit aussi des semences, des minerais, des minéraux et des ressources en eau incorporés dans les principaux produits exportés.

Paradoxalement, ce même pays laisse plus de 35 millions d’habitants sans traitement des eaux et 100 autres millions sans accès aux égouts, ce qui compromet la santé de la population et dégrade le réseau hydrographique naturel. Les taux de réussite éducative sont faibles, mais le nombre moyen de téléphones portables par habitant est supérieur à 1 et l’agroalimentaire utilise des technologies de pointe. L’agriculture célèbre des récoltes record, tandis que l’IBGE rapporte que plus de 25% de la population est composée de pauvres vivant avec moins de 6 dollars par jour. La figure joyeuse et réceptive du peuple contraste avec les résultats de l’enquête Datafolha qui indiquent que plus de 40% de la population adulte aimerait quitter le pays. Chez les jeunes de 16 à 24 ans, ce pourcentage dépasse 60%.

Les contradictions révèlent diverses erreurs qui ne sont pas limitées aux actions des gouvernements de ce nouveau siècle ni à des courants de pensée spécifiques, car elles ont commencé il y a plusieurs siècles sous la forme de petits ronds dans l’eau qui se sont transformé en grandes vagues non navigables. Cependant, le démantèlement des cadres institutionnels et juridiques que nous connaissons ne fera qu’aggraver la situation en favorisant une dégradation plus rapides et plus alarmantes.

La politique environnementale est une politique pour la vie des générations actuelles et futures et ne doit pas être sujette à des gains financiers temporaires illusoires et concentrés entre les mains de quelques-uns. La connaissance ne devrait pas non plus être enfermée dans les sphères universitaires sans que les gouvernements, la société et les entreprises puissent contribuer, critiquer et évaluer.  Entre science et culture, université et société, gestion publique et partis politique, il ne devrait y avoir aucun niveau de hiérarchie, mais des liens de coopération. Le discours sur la durabilité ne repose plus sur la survie de ceux qui viendront, mais de ceux qui sont présents, car les changements ont déjà un impact sur la vie quotidienne. Le futur se conjugue au présent et a des tons sépia.

Telma Teixeira. 
RHIOS Août 2019
(traduit du portugais par Denis JULIEN)

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